Religion et démocratie : d’un prétendu besoin de religion selon Hartmut Rosa
Le besoin de religion s’entend en de nombreux sens. L’un d’eux insiste sur les problèmes contemporains comme l’hyperindividualisme ou la destruction de l’humain et de la nature par le système capitaliste et technique. Une fois les problèmes identifiés, les tenants d’un besoin contemporain de religion montrent que la solution passe par le retour au religieux. Ce retour peut être réactionnaire en mythifiant la vie religieuse prémoderne. Mais il peut aussi être progressiste car les religions bien comprises seraient des ressources intellectuelles, spirituelles et éthiques aptes à renouveler le mode de vie contemporain pour conserver le meilleur de la modernité – le progrès médical ou la démocratie par exemple. Nous voudrions examiner la version progressiste de ce raisonnement tel qu’Hartmut Rosa l’utilise pour encourager à une revivification des démocraties contemporaines par le retour à l’attitude religieuse.
L’apologétique religieuse fait souvent appel à un besoin de religion né de problèmes conjoncturels ou plus généralement humains. Le manque de foi ou de rituel serait, pour qui sait le comprendre et telle est la question du diagnostic, la cause profonde d’un problème. Le seul remède est alors la ré-introduction de pratiques et de croyances religieuses adéquates.
L’argument apologétique suivant est valide logiquement : les prémisses impliquent bien la conclusion. Il se formule sous une forme modérée et sous une forme radicale.
- Version modérée de l’argument apologétique du besoin de religion
- Un problème est diagnostiqué.
- Une solution à ce problème se trouve dans une ou plusieurs religions.
- Cet élément religieux doit être promu pour résoudre le problème.
- Version radicale de l’argument apologétique du besoin de religion
- Un problème est diagnostiqué.
- L’unique solution à ce problème se trouve dans une ou plusieurs religions.
- Cet élément religieux doit être promu pour résoudre le problème.
La version modérée de l’argument comprend la solution religieuse comme suffisante à éviter le problème sans affirmer que seul un élément religieux ait les caractéristiques nécessaires pour résoudre le problème. La version radicale juge nécessaire l’élément religieux pour résoudre le problème diagnostiqué.
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Dans Pourquoi la démocratie a besoin de la religion1, le sociologue Harmut Rosa défend la valeur de la transformation de soi par des pratiques religieuses pour ni plus ni moins rendre les êtres humains capables de changer le monde contemporain et promouvoir la démocratie.
Son apologétique n’est pas celle d’un Pascal pour qui tout être humain quelle que soit sa situation doit s’en remettre au Christ et à l’Église. Elle présente plutôt la vie religieuse comme une réponse suffisante mais non nécessaire à une situation particulière, celle du monde contemporain. Son argumentation relève d’une forme modérée – mais réelle – d’apologétique. Elle n’est pas non plus réactionnaire en appelant à un retour en deçà de la modernité puisque, comme l’indique le titre, c’est la démocratie et donc le dialogue et sa rationalité qui seront corrigés et préservés par la revalorisation de l’attitude religieuse.
Qu’un sociologue se fasse apologète surprendra, en particulier en contexte français, mais la convergence entre les analyses sociologiques et religieuses est parfaitement assumée en ouverture du texte :
J’ai souvent constaté qu’une grande partie de ce que j’essaie laborieusement de fabriquer en tant que sociologue a déjà été pensée et vécue dans la sphère religieuse.
Rosa ne conçoit pas la sociologie comme une discipline uniquement descriptive puisqu’elle se fait normative en proposant une critique des conditions contemporaines de la vie bonne2. De cette sociologie doit naître un humanisme non séculier refusant l’immanence au profit d’une transcendance à laquelle il serait urgent de se relier. Et se relier à une transcendance est justement ce que l’on nomme traditionnellement « religion ».
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Le monde contemporain souffre d’une hubris bien connue, celle du toujours-plus, de l’accélération constante de la croissance, de la puissance, de l’exploitation de la nature et des humains. Ce processus est décrit par Rosa comme une « stabilisation dynamique » puisque le maintien de cette civilisation ne se fait que par le changement incessant. Les effets sur les individus de cette course folle sont dévastateurs et réclament un autre rapport au monde et donc une transformation de soi, de ses habitudes, de ses représentations, de sa relation aux autres, à la nature et à ce qui transcende le monde. Pour échapper au monde contemporain globalement aliénant, seul un mode d’être alternatif peut nous sauver et réactiver le sens du religieux sous la forme d’une résonance entre la personne et le divin est une solution possible.
Dans Pourquoi la démocratie a besoin de la religion, Rosa affirme que « l’essence de mon existence est une relation de résonance ». Dans Résonance (I, 4, 3), il précise que la résonance est une forme de relation caractéristique de l’être-au-monde au sein de laquelle les deux relata se répondent sans perdre leur singularité. Il ne s’agit pas d’une coordination mécanique mais d’une harmonisation permettant d’être soi dans la relation à une altérité. Le monde peut résonner en une personne si la voix de cette dernière trouve à s’exprimer et à entrer en accord le monde qui lui répond adéquatement.
On comprend alors que la transformation religieuse de soi pour entrer en résonance avec le divin consiste à rompre avec la fermeture sur soi au profit de l’ouverture à l’autre. Cet autre étant transcendant, Rosa parle d’une ouverture à la résonance verticale. Plus concrètement, l’Église catholique et le christianisme en général, les seules religions vraiment examinées, sont aptes à fournir le dispositif pratique, intellectuel et spirituel capable d’initier le travail sur soi pour sortir de l’hubris contemporaine. Ils sont ni plus ni moins que les conditions de possibilité pour la constitution de sujets révolutionnaires au sens où le changement radical du monde en dépend.
La religion est une force, elle dispose d’un réservoir d’idées et d’un arsenal de rituels, avec ses chants, ses gestes, ses espaces, ses traditions et ses pratiques appropriés, qui permettent de sentir et de donner du sens à ce que veut dire être appelé, se laisser transformer, être en résonance.
La religion est donc une forme verticale de résonance au sein de laquelle une promesse de réponse aux besoins humains est formulée par un dieu en qui la personne peut mettre sa confiance, sa foi. On reconnait Exode 3.14 où dieu promet qu’il sera fidèle à sa promesse en disant : « je serai qui je serai ».
D’où le credo de Rosa afin de réenchanter le monde par la double transformation des sujets et du monde lui-même :
Je crois que c’est là que la religion puise sa force intrinsèque, dans le fait qu’elle offre une sorte de promesse de résonance verticale, dans le fait qu’elle dise : mon existence n’est pas fondée sur un univers muet, froid, hostile ou indifférent, mais sur une relation répondante. Pour moi, c’est le cœur de la pensée religieuse des trois monothéismes, et sans doute bien au-delà, très certainement par exemple dans l’hindouisme et le bouddhisme. » (je souligne)
Dieu appelle à une vie meilleure qui sache rompre avec les séductions et aliénations du monde contemporain. Mais la réponse à l’appel divin est libre et demande un effort de transformation de soi. La foi est peut-être une grâce qui ne se maitrise pas, elle n’en reste pas moins l’objet d’un travail sur soi pour se rendre disponible à l’opération salvatrice divine. Reprenant la supplique de Salomon, Rosa se fait prophète et nous enjoint à accueillir la parole divine qui a besoin de « cœurs qui sachent écouter ». L’argument apologétique du besoin de religion est parfait : 1) le monde est aliénant, 2) la relation à Dieu est libératrice, 3) la religion qui fournit cette relation est une bonne réponse à l’aliénation du monde.
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Rosa ne dit pas qu’il croit que Dieu existe et qu’il faut s’y relier. Son propos est plus indirect car il valorise avant tout un dispositif religieux où il est dit, dans des prières et lors de rituels, qu’il faut ouvrir son cœur au divin et qu’il faut écouter une parole transformatrice. La vérité métaphysique de cette parole – il y a un dieu, il est créateur, il offre un salut véritable, etc. – n’est pas du tout impliquée par l’analyse sociologique qui préfère en rester au sens capable d’éveiller la foi.
À propos de l’astrologie et de l’horoscope, Rosa insiste :
Cela donne un sens au fait qu’il y a une relation entre l’enveloppe externe du monde ou la réalité qui nous entoure, le cosmos, et notre intériorité, notre destinée – une relation de résonance.
On comprend qu’il suffit d’une proposition de pratique douée de sens, offrant une fin échappant à l’absurdité du toujours-plus, pour qu’une forme de résonance positive soit à l’œuvre. Mais on comprend aussi qu’il y a une hiérarchie parmi les résonances et que le sens porté par l’appel du dieu des chrétiens semble bien supérieur à d’autres pratiques tant Rosa y insiste.
On pourrait nous objecter qu’il n’y a là aucune apologétique. Le sociologue diagnostique des pathologies sociales et identifie des pratiques sociales capables d’y répondre. Il décrit ces réponses – que ce soit l’astrologie ou le christianisme – en reprenant le langage de ses promoteurs. Il parle le langage de la religion car la pensée religieuse nourrit le travail sociologique et devrait aussi être écoutée par nos contemporains. Les discours religieux ou faisant référence à une transcendance ont un sens et le sociologue reste agnostique sur leur vérité. Pourtant il encourage à une transformation religieuse de soi, ce qui est bel et bien une invitation à avoir la foi.
Le rapport à la vérité que toute attitude religieuse suppose n’est donc pas bien clair dans le propos de Rosa.
La mise entre parenthèses de la vérité ou de la crédibilité du sens religieux n’implique pas que Rosa soit un cynique postmoderne qui jouerait avec les discours religieux pour mieux se connaître et s’épanouir au travers d’un narcissisme raffiné par la fréquentation des églises. Mais, même si elle n’est pas un jeu postmoderne, sa défense du sens religieux est difficilement tenable.
Pour encourager à la pratique religieuse comme le fait Rosa, il faut la prendre au sérieux. Sans affirmer dogmatiquement que le dieu qui parle et sauve existe, il faut au moins admettre qu’il est possible qu’il existe. Ces discours font sens parce qu’ils font référence à un dieu qui appelle et promet un salut. Promesse qu’il ne faut pas prendre à la légère.
Or le sérieux de l’engagement personnel ne suffit pas. Il en va de l’efficacité de la pratique transformatrice que sa cause principale puisse produire ses effets. La neutralisation du contenu métaphysique des religions tenté par Rosa n’est pas convaincante. Elle répète le double jeu si courant du « j’y crois mais pas vraiment » qui permet à nombre de croyants de s’engager dans une pratique religieuse tout en refusant d’en examiner toutes les implications ontologiques, morales ou politiques, tout en ne prenant pas tout cela trop au sérieux, ou bien pas trop longtemps, le temps d’une messe disons.
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L’argument apologétique est plutôt habile. La critique classique des religions comme aliénation où l’humain perd sa liberté en se soumettant à une autorité transcendante est retournée : la non-réponse à l’appel divin est aliénante et enferme dans un monde dénué de sens où tout finit par la mort : de soi, des civilisations, de l’humanité, de la Terre, de notre univers.
Mais l’appel religieux est à interroger beaucoup plus que ne le fait Rosa.
Tout d’abord, l’hétéronomie est pensée sans en évaluer le sens politique. Il est surprenant que Rosa n’interroge pas plus, par exemple, le lien entre le patriarcat et l’hétéronomie verticale religieuse. D’une démarche sociologique critique, on est en droit d’attendre un examen des normes qui constituent les pratiques religieuses permettant de relier humain et divin. Or les pratiques et contenus religieux qui doivent permettre d’échapper à l’hubris du pouvoir et à l’exploitation des humains et de la nature sont en général transmis par des institutions structurées par des inégalités de genre. La réappropriation des rites religieux et la transformation de soi qu’il faudrait en attendre suppose une discussion beaucoup plus incisive des pratiques d’exclusion et de subordination des femmes. Ce rappel ne vise pas à soupçonner Rosa de promouvoir volontairement des pratiques aliénantes, mais à marquer un premier doute quant à la pertinence du religieux pour notre temps quand le religieux est mobilisé pour mieux réintroduire une hiérarchie d’origine transcendante.
Ensuite, l’archétype de l’appel religieux se trouve dans le mythe de l’appel divin au sacrifice d’Isaac par son père Abraham. Moment fondateur, il représente la foi exigée par l’autorité divine et pourrait se résumer dans le principe suivant : si ton dieu te le demande, sois prêt à assassiner ton fils, tu comprendras plus tard le bien d ton meurtre. Tel est le problème de la résonance verticale ou hétéronomie sous sa forme religieuse, elle promeut des mystères incompréhensibles voire répugnants dans le cadre de hiérarchies autoritaires. Dans son principe présenté par le mythe abrahamique et dans son institutionnalisation dans des Églises autoritaires, la résonance comprise comme appel et promesse divines n’offre apparemment pas une occasion de renouvellement démocratique.
Mais Rosa n’encourage à aucun moment une soumission aveugle qui atrophierait la vie morale du croyant. La réponse à l’appel divin n’est pas censée être mortifère.
Pour parer à cette dérive, Rosa insiste à raison sur l’importance de se référer aux « meilleures interprétations religieuses » qui toutes « sont fondées sur l’idée et la mise en présence de relations de résonance ». Car la résonance est l’occasion d’une transformation positive par l’autre. Dans le cas de la résonance verticale dont la religion est une version, « l’idée qui sous-tend tous ces gestes et rites est toujours de nous permettre d’établir un lien, une relation de résonance avec le monde et avec un autre monde ». Ce sont donc les croyances et pratiques non aliénantes des religions qui sont à identifier et à promouvoir.
Il faut, semble-t-il, en conclure que les religions ne suffiront pas à fournir d’elles-mêmes les meilleures interprétations sinon, étant donné l’hétéronomie, elles demanderont une soumission qui à un moment ou un autre risque de devenir un aveuglement le plus complet et le plus pervers comme le montre la valorisation du projet de tuer son fils pour obéir à Dieu. Le partage entre les bonnes et les mauvaises interprétations d’une parole ou d’une pratique suppose une discussion justifiant le refus des interprétations aliénantes.
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La tension entre l’hétéronomie religieuse qui réduit, à un moment ou à un autre, la raison au silence et les conditions de possibilité d’une juste compréhension de l’appel divin et des réponses adéquates à y apporter met en doute la pertinence du dispositif promu par Rosa sous l’expression « résonance verticale ». Bien sûr les religions peuvent présenter des manières d’être dont la logique est aux antipodes du toujours-plus contemporain. Mais ce ne sont pas les religions simpliciter qui fournissent ces alternatives dont le besoin est indéniable. Ce sont les meilleures interprétations des religions qui présenteront correctement l’appel et la réponse nécessaire sous la forme d’une transformation de soi par la prière ou d’autres rituels. Or les conditions de l’examen des discours et pratiques religieuses capables de produire une bonne transformation de soi sans aliénation sont contraires à la verticalité de la résonance religieuse : un examen collectif ouvert à toutes les mises en question qui ne reconnaît que l’« autorité » des raisons et non celle d’une tradition, d’un texte ou d’une institution.
Une telle discussion peut-elle indiquer sa propre limite pour laisser place à foi, qui est la réponse demandée par l’appel divin ?
L’examen doit avoir une fin pour que la résonance verticale religieuse opère. Abraham l’avait compris en effectuant le saut de la foi. Dieu peut demander ce qui échappe à toute morale et il faut humblement admettre que nous ne pouvons pas rendre intelligible cet appel. Renoncer à un moment ou un autre à l’effort pour trouver la meilleure interprétation de la parole transmise par une religion apparaît ainsi essentiel pour répondre à l’appel « divin ».
Rosa illustre donc la contradiction de l’entre-deux où le sociologue reconnaît la valeur de l’examen rationnel tout en appelant à une vie nouvelle fondée sur la foi. Il fait montre d’un singulier optimiste religieux en pensant que l’examen rationnel des religions ne conclura pas à une simple réappropriation séculière des idées intéressantes. Puisque Rosa reconnaît sa préférence pour le christianisme, reconnaissons sans restriction que la parabole du bon samaritain ou la colère de Jésus contre les marchands du temple ont beaucoup à nous apprendre. Or Rosa s’engage à bien plus qu’une traduction séculière pour se réapproprier certaines idées religieuses puisqu’il faut s’engager dans une réponse à un appel hétéronome et dans la reconnaissance que certains textes religieux sont révélés. Les comprendre, c’est s’engager dans un travail sur soi confiant dans l’efficience de la promesse rédemptrice contenue dans la révélation qui nous requiert.
On retrouve le problème des présupposés métaphysiques non examinés. La confiance en dieu est bien la confiance en quelqu’un ou en quelque chose : l’entité qui promet, donne sa grâce et assure que le référent nécessaire à la transformation de soi et du monde n’est pas vide. La rationalité d’une telle confiance dépend de la possible réalité du promettant, ce qu’il faudrait justifier autrement que par un appel à la sensibilité et au besoin de réconfort comme le fait Rosa dans Résonance :
Le « fond du monde » recèle-t-il une résonance de l’univers, comme le prétendent Schleiermacher, Buber ou James, ou le silence aride d’un cosmos glacé, comme le supposent Kanitscheider, Nietzsche et Camus ? La réponse ne peut être fournie par les moyens de l’entendement. Seule notre sensibilité résonnante pourrait peut-être nous la « souffler ». C’est là un test de sensibilité dont le résultat dépendra chaque fois de notre résonance ou de notre aliénation dispositionnelle, dont on a vu qu’elles étaient acquises en bonne partie au cours du processus éducatif. Résonance, II, 8, 1
Rosa congédie donc toute discussion rationnelle sur la plausibilité de l’existence de Dieu ou sur ce qui pourrait justifier l’espérance religieuse. Seule la sensibilité individuelle principalement formée lors de l’éducation sert de motif pour croire ou non. Il abandonne alors l’exigence qu’il avait lui-même posée : celle de s’en tenir aux meilleures interprétations et pas seulement à celles qui plaisent. Il sombre dans le plus plat éloge de la sensibilité individuelle, on a connu mieux pour éviter les problèmes contemporains qu’un néo-romantisme inconsistant.
On comprend alors que la méthode choisie, une forme de sociologie qui n’hésite pas à se faire philosophie normative en indiquant différentes formes de vie qu’il faudrait cultiver pour échapper à l’aliénation contemporaine, manque d’une réflexion sérieuse sur le sens de la vérité et de la rationalité nécessaires pour une réelle émancipation humaine. La tension entre le relativisme de la sensibilité et l’appel à une bonne interprétation des religions est symptomatique d’une difficulté intellectuelle qui n’est pas propre à Rosa et traverse nombre d’analyses contemporaines : un peu de rationalité mais pas trop, un appel à la sensibilité subjective mais trop.
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Rosa ne soutient pas l’argument apologétique radical concluant que la religion est nécessaire pour répondre aux problèmes posés par l’accélération infinie contemporaine. D’autres résonances verticales non religieuses peuvent être promues pour transformer positivement les modes d’être aliénés de notre temps. Dans Résonance (II, 8, sections 2, 3 et 4), il insiste sur la nature, l’art et l’histoire. L’argument apologétique modéré semble donc préféré : la religion fournit une résonance verticale qui peut suffire à une heureuse transformation de soi.
Mais comme le fanatisme doit être écarté et que les meilleures interprétations doivent être identifiées au préalable, avant de répondre à n’importe quel appel qualifié de « divin », la discussion rationnelle joue un rôle fondamental dans le travail sur soi religieux. Rosa se montre très optimiste en supposant que les pratiques et contenus religieux ainsi que les institutions qui les transmettent résisteront à cette discussion. Il tend finalement à majorer la valeur toute subjective de la sensibilité capable de « justifier » à elle seule l’engagement religieux, au moins aux yeux de celles et ceux qui écoutent leur sensibilité, une résonance avec soi qui risque de sonner creux.
- Pourquoi la démocratie a besoin de la religion. À propos d’une relation de résonance singulière est paru en 2023 aux éditions La découverte, et issu d’une conférence prononcée aux Rencontres diocésaines de Würzburg (Allemagne) en 2022. ↩︎
- Ce qu’il indique dans l’introduction de Résonance. Une sociologie de la relation au monde, paru en allemand en 2016 et en traduction à La découverte, en 2018. ↩︎